MISE AU POINT SUR LE CALCUL

DES SYSTEMES A MASSE VARIABLE

 

        

A : RAPPELS GENERAUX :

 

Le principe fondamental de la dynamique prend 2 formes équivalentes, exprimées en repère galiléen ( inertiel ou absolu ). Cependant ce qui est rarement précisé et souvent oublié par les utilisateurs est une hypothèse capitale sur le système :

 

Le système doit être fermé, c’est à dire qu’entre 2 instants consécutifs, il n’échange pas de masse avec l’extérieur.

 

En calcul différentiel, on peut donc se limiter à un intervalle de temps élémentaire t et t+dt.

 

NB : Ne pas confondre avec « un système isolé ». un système fermé peut interagir avec le milieu extérieur, échanger de l’énergie par exemple et bien évidemment être soumis à des forces extérieures.

 

En aucun cas les forces intérieures ne doivent apparaître, qu’elles soient de nature mécanique par interaction entre des parties du système ou de nature chimique comme une combustion dans un moteur classique ou moteur fusée ou tout autre dispositif utilisant une énergie interne.

 

En d’autres termes, s’il y a interaction inconnue du système avec l’extérieur, avec ou sans échange de masse, l’extérieur en question doit être inclus dans la masse à traiter, si l’on ne veut pas voir apparaître l’interaction inconnue.

 

On appelle Pa la quantité de mouvement ou encore l’impulsion du système. On rappelle que pour un point matériel de masse m et vitesse V c’est Pa = mVa

 

Les systèmes mécaniques constitués de solides indéformables et de points matériels remplissent cette condition. Le mouvement satisfait à 2 équations équivalentes :

 

 

 

(1) est le PFD et (2) le théorème de la quantité de mouvement.

 

La deuxième équation est d’un usage plus général, car elle ne nécessite pas de connaître le centre d’inertie G qui,  pour des systèmes non rigides ou déformables ( comme des fluides ) est quelquefois difficile à localiser.

 

B : CONSEQUENCES POUR LES SYSTEMES A MASSE VARIABLE  :

 

La masse d’un système principal peut varier pour diverses raisons :

 

a)    Exemples :

-         Un lanceur peut larguer un étage.

-         Deux éléments d’un système peuvent se séparer par une impulsion donnée par un ressort ou autre dispositif de séparation.

-         Un système peut se scinder, par exemple une comète peut se casser en plusieurs morceaux au passage près d’une grosse  planète ( comme Jupiter )

-         Un moteur fusée éjecte de la masse en continu, pendant la durée de la combustion, sous forme de composés gazeux chauds. C’est ce dernier cas qui nous intéresse plus particulièrement.

-         Un grêlon qui tombe voit sa masse augmenter par condensation de glace récoltée au cours de la descente. Dans ce cas, l’eau ou la glace qui « attend » le grêlon doit être incluse dans le système à étudier

-         Dans un choc entre 2 solides, on considère que si l’interaction est brève, ( les actions extérieures n’ont pas d’effet appréciable sur un temps très  court , la quantité de mouvement de l’ensemble se conserve, mais l’énergie cinétique peut varier suivant le type de choc.

-         Dans le cas où une machinerie tout à la fois aspire et rejette une masse fluide ( air, eau ou autres ..), il faut suivre en régime permanent,  un système de masse constante comprenant : au temps t, la machine S0 complète+le fluide entrant et au temps t+dt, la machine S0 complète+ la masse de fluide sortant( masse identique à celle de l’entrée, mais avec des conditions cinétiques modifiées. La machine S0 et ses forces intérieures vont disparaître dans le calcul de la variation de quantité de mouvement.

-         Etc…

b)   Choix du système dans l’exemple du moteur fusée :

C’est le cas qui nous intéresse pour la suite, bien évidemment en régime permanent.

Le PFD ou son équivalent avec le théorème de la quantité de mouvement, impose simplement que le système dont on suit l’évolution entre 2 instants, conserve la même masse entre ces 2 instants.

Notamment, quand il y a éjection continue de masse par un processus de combustion, pour éviter de faire apparaître les forces intérieures, dans la chambre de combustion, les réservoirs, les alimentations diverses des moteurs, les pompes etc…, il faut considérer 2 systèmes contenant à t et t+dt les mêmes ingrédients peut-être sous des formes différentes.

 

 

Nous suivons donc un système de masse m aux 2 instants t et t+dt comprenant l’étage lanceur de masse m à l’instant t et ce même lanceur de masse m-dm accompagné de la masse dm de carburant brûlé.

 

Les produits de la combustion sont éjectés vers l’arrière de la tuyère( qui n’a pas nécessairement son axe confondu avec celui du lanceur, ceci pour participer au pilotage du lanceur..), à une vitesse Ve en sens contraire de l’unitaire u ( axe de la tuyère ).

 

c)    Application du théorème de la quantité de mouvement :

 

On calcule cette quantité de  mouvement aux 2 instants :

puis l’évolution différentielle

au premier ordre ( dm et dV sont infiniment petits) il reste

d)   Mise en forme de l’équation faisant apparaître la poussée :

La première lecture de l’équation fait apparaître un terme appelé poussée réactive, qui nous allons le voir n’est pas tout à fait la poussée du moteur fusée. Ce qui demande une explication soignée.

 

q = - dm/dt ( > 0 car la masse diminue ) est le débit massique du moteur

 

Analysons les forces extérieures sur l’ensemble S = S1 + S2 lanceur-produits de combustion qui comprennent :

-         les forces de masse dues au champ gravitationnel

-         les forces de surface provenant des surpressions engendrées par le vol sur la surface principale S2 du lanceur

-         les forces de surface agissant sur l’enveloppe externe S2 des gaz de combustion éjectés

 

p est la pression( au sens large, frottements visqueux compris ) au contact ( sur  S1 rt  S2 ) et pa la pression ambiante dans une atmosphère ambiante au repos ou pa =0 dans le vide spatial.

 

Cette pression p s’exerce en tous les points de la surface de contrôle S = S1+ S2 qui est l'enveloppe du système ou encore son interface avec l’extérieur . Ce qui exclut de S  la section circulaire de la tuyère. Nous notons R la force résultante de l’ensemble de ces forces.

 

Mais, nous le savons, avec une pression pa constante, sur une surface fermée, on a :

Les forces élémentaires locales peuvent donc aussi s’exprimer sous forme de surpressions par rapport à la situation de repos en atmosphère calme, de la forme

 

 

Le second terme peut s’évaluer, en considérant que la masse dm de S2 est infiniment petite et donc que sa quantité d’accélération est nulle, entraînant la nullité de la résultante des forces s’exerçant sur cette masse dm contenue dans l’enveloppe fermée S2+ S3 .

 

 

donc avec sur S3 plane où la pression de sortie de la tuyère est pe, le calcul est aisé

Ainsi la loi fondamentale conduit à l’équation suivante du mouvement de la partie principale S1 :

Nous avons fait apparaître ce qui définit naturellement pour les efforts sur  S1 la résultante aérodynamique ( éventuellement décomposable en traînée et portance ) et surtout mis en évidence une force nouvelle que l’on appelle classiquement la poussée du moteur.

 

A RETENIR POUR TOUTES LES ETUDES CONCERNANT UN LANCEUR EN PROPULSION  :

 

« Pour un lanceur de masse variable, durant une phase propulsée,

on peut écrire la loi fondamentale :

comme si la masse m(t) était constante, en prenant simplement la précaution d’ajouter aux forces extérieures classiques, la poussée moteur exprimée comme ci-dessous »

 

q est le débit massique en kg/s

Ve la norme de la vitesse d’éjection des gaz part rapport au lanceur

pe la pression des gaz au niveau de la section de sortie tuyère

pa la pression ambiante à l’altitude où se trouve le lanceur

 

 

En clair, la variation de masse due à un processus chimique et à des forces internes est pris en compte en faisant apparaître la poussée comme une force « classique » externe alors qu’elle résulte de forces intérieures. C’est ce qui nous autorisera à appliquer le PFD comme si la masse était constante.

 

La mise en équations du mouvement d’un lanceur, dans le vide ou dans une atmosphère quelconque en est ainsi hautement facilitée.

 

Information : il n’est pas question pour moi de montrer tous les domaines d’application, seule la propulsion par éjection de produits de combustion m’intéressait.

 

Le lecteur pourra consulter à adresse  bon nombre d’exemples significatifs qui vous guideront sur le choix du système à étudier

 

NB : Lorsque le processus d’éjection de masse est purement mécanique ( par exemple éjection par impulsion avec ressort ) et ne met donc pas en jeu une réaction chimique, une fois éjectée, la masse expulsée n’interagit plus avec le corps principal. Le lecteur se convaincra, par le calcul ou par la consultation de sites classiques que la poussée est alors simplement avec les mêmes notations que plus haut :

 

 

Guiziou Robert septembre 2015       

 

 

 

 

 

Exemples d’application incorrecte ( puis correcte ) du théorème de la quantité de mouvement :

 

Exemple 1 :

 

Appliquons ce théorème de la quantité de mouvement, tout naturellement, avec une masse m(t) fonction du temps,  sous la forme classique ( mais incorrecte ), en axes galiléens :

 

 

La manière dont la masse est éjectée n’apparaît pas, ce qui laisse supposer qu’il suffirait, par exemple, de déposer en continu et sans dépense notable d’énergie, de la masse n’importe où, à coté d’un engin spatial, pour instantanément exercer sur lui, une force de poussée supplémentaire, certes proportionnelle au débit massique ( comme un moteur fusée ), mais surtout proportionnelle à la vitesse actuelle de l’engin, ce qui pourrait paraître séduisant !!!.

En l’absence de forces extérieures, le lecteur peut établir la relation étonnante entre les conditions initiales et finales :

*

A rapport de masse l fixé ( masse initiale/masse finale ) , plus la vitesse initiale est grande, plus la vitesse finale serait proportionnellement grande.

A masse de carburant donnée, l’accroissement de vitesse ne dépend plus que de la vitesse initiale. En somme, le procédé serait d’autant plus efficace que l’engin est initialement rapide.

De plus, dans un repère galiléen en translation uniforme à vitesse V0 ( l’engin serait donc au repos ), le procédé serait inefficace.

L’efficacité dépendrait donc aussi du repère galiléen choisi ( puisque tous les repères galiléens en translation uniforme les uns par rapport aux autres sont équivalents ).

Toutes ces remarques pour insister sur les conséquences de l’oubli de l’hypothèse d’un système fermé !!

 

Application correcte du théorème de la quantité de mouvement :

En l’absence de forces extérieures, pour le système de masse m  à t et t+dt, on a

Nous retrouvons qu’en l’absence de toute force extérieure, si un engin perd de la masse (sans processus d’éjection ) sa vitesse reste constante.

Nous voilà rassurés, nous n’avons « pas inventé » une propulsion nouvelle

 

 

 

Exemple 2 :

 

Donnons une illustration plutôt déroutante d’une propulsion exotique. Un étage de lanceur éjecte continûment par une série de 2n tuyères disposées symétriquement et régulièrement espacées, sur un cercle dont l’axe est celui de l’étage.   La sortie de gaz sous pression est radiale, de débit massique  q = (dm1+dm2+ …..dm2n)/dt , la vitesse de sortie est Ve, radiale et constante pour toutes les tuyères.

 

m est la masse du lanceur à l’instant t. Si l’on applique incorrectement le théorème de la quantité de mouvement sous la forme

Alors comme précédemment, il apparaît une force propulsive qV, qui visiblement ne tient aucun compte du système propulsif et encore moins de sa vitesse d’éjection. !!!!!!!  Cette force propulsive imaginaire présente les mêmes singularités que pour l’exemple 1

 

L’application correcte consiste à suivre le système de masse m aux 2 instants t et t+dt et donne :

On trouve finalement et c’est rassurant

Bien évidemment, il était prévisible que le système propulsif ne donnerait pas de force supplémentaire, car les poussées élémentaires se détruisent 2 à 2 symétriquement.